Compte-rendu concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 16 octobre 2020. Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : triple concerto pour violon, violoncelle et piano en do majeur, op.56 ; Erich Wolfgang Korngold (1897-1957) : Suite orchestrale « Beaucoup de bruit pour rien » de William Shakespeare, op.11 ; Richard Strauss (1864-1949) : Le Chevalier à la rose « grande suite » ; Kristi Gjezi, violon, Marc Coppey, violoncelle ; Lio Kuokman, direction et piano.
La musique entre liberté et joie : éternellement jeune.
Quel concert exceptionnel ! Le dernier à une heure habituelle « 20h » avant cette sinistre période de couvre-feu. Que la culture va-t-elle devenir ? Toujours plier sous le joug administratif ! Toujours s’adapter pour ne pas être exterminée ! LA CULTURE va « dérouiller » encore et encore, car comment va-t-elle trouver son public en lui offrant la certitude d’être chez soi à 21h ? Débuter les spectacles à 18h30 ? 18H ? Encore faudra-t-il que les employeurs soient très conciliants et que la circulation s’assagisse à cette heure de folie sur le périph.
Ce soir pas de soucis de ce genre, le concert a débuté à l’horaire habituel, avec 1000 spectateurs seulement, distanciation sanitaire oblige. Ce soir des spectateurs potentiels sont restés dehors... L’engouement pour le triple concerto de Beethoven est bien réel. Cette œuvre brillante et profonde permet un dialogue intense entre les instruments et l’orchestre. Plus symphonie concertante que simple concerto, l’œuvre permet à la virtuosité de s’exhaler et à l’émotion d’éclore. Ce soir le chef est également au piano, assurant une parfaite union entre l’orchestre et les solistes. Lio Kuokman est aussi brillant pianiste que chef doué. Cet homme a une direction élégante et obtient de l ’orchestre une musicalité délicate. Des phrases amples, des nuances finement dosées. Les couleurs de l’orchestre sont magnifiques. Il fait de la musique avec ses pairs avec autant de bonheur que tout l’orchestre qui le suit avec un plaisir non dissimulé tant il se dégage de son geste une générosité irrésistible. Au violon, Kristi Gjezi, quitte un temps son poste de premier violon super-soliste de l’orchestre. Un peu inquiet il a toutefois tout dans son jeu pour faire honneur à sa partie.
Il faut dire que l’aisance aristocratique de Marc Coppey au violoncelle est incroyable. Cet artiste que nous aimons beaucoup, a une grâce dans son jeu, une bonté qui émeut. Il y a comme du velours épais et chaud dans sa sonorité qui nous enveloppe. Et quelle simplicité dans ses échanges avec les musiciens à l’entour !
Lio Kuokman joue sa partie avec gourmandise et dirige quand il le peut avec énergie et générosité. L’interprétation est parfaitement équilibrée, chacun à son meilleur. Le public fait un véritable triomphe et obtient en bis la dernière partie du final lancée par Kristi Gjezi dans un tempo d’enfer. Comme dégagé d’un certain stress le violoniste semble voler avec une facilité déconcertante. Le bonheur de faire de la si belle musique ensemble est flagrant. La joie déborde entre les solistes comme entre les musiciens de l’orchestre. Que c’est beau cette communion avec un public enthousiaste. Rien qu’un moment comme celui-là prouve combien la mission des musiciens est VITALE ! La joie du partage existe encore ! Et comment !!
Pour la deuxième partie du programme les deux œuvres choisies gardent cette liberté de ton et cette beauté. Kornglod a su mettre en musique l’esprit léger et la jeunesse de Shakespeare. L’orchestre est comme allégé sans contrebasses. Le piano y joue une partie virtuose et prépondérante. Mais la virtuosité de chaque groupe instrumental est un véritable régal. L’orchestration est riche et originale. Lio Kuokman sculpte le son avec art, obtenant le meilleur des instrumentistes radieux.
Mais c’est dans la « Grande suite du Chevalier à la rose » que la direction de Lio Kuokman nous démontre sa capacité dramatique. C’est un chef prisé à l’opéra, nul doute possible avec cette manière de donner à chaque thème sa dimension dramatique et son espace exact. Quelle aventure que ce « digest » du Chevalier à la Rose. La valse finale est véritablement enlevée avec des gestes du chef comme pour battre de la crème fouettée. Et le bis, avec ces « voix du printemps » de Johann Strauss fils, est un hymne à la vie ! Affreux printemps 2020, que sera celui de 2021 ? Quelle élégance dans la direction, quelle capacité de lien avec les musiciens comme avec le public. Lio Kuokman a bien des qualités musicales et humaines qui en font ce soir un vrai espoir dans la succession si complexe de Tugan Sokhiev.
Concert unique de pré « couvre-feu » véritable hymne à la jeunesse et la liberté !
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